stream 58 Jacques Derrida this is their common law, the lot or site they share-by repetition. (Interventions de Jacques Derrida au colloque "Religion et média" en décembre 1997, publiées en 2016) [SPDJ]Revue "L'Entretien" Volume 3, sur Jacques Derrida (mai 2017) [Entretien03]Le parjure, peut-être ("Brusques sautes de syntaxe") (Jacques Derrida, 2002, paru en 2017) [LPPE]Théorie et pratique, Cours de l'ENS-Ulm (1975-76 ou 1976-77) (Jacques Derrida, paru en 2017) [Sem1976-TEP] Nous donnons les numéros de pages dans l'édition de 2000, qui regroupe A noter que, le 7 septembre 1979, Jacques Derrida a écrit, dans sa préface à [Science et religion sont indissociablement liées, dans une logique d'auto-immunité de l'indemne][Dans la notion indo-européenne de Dieu (le lumineux, le céleste), la lumière commande et commence le discours]L'aporie de notre temps, son anachronie absolue, c'est qu'un même principe abstrait conduit aux surenchères les plus opposées : des technosciences aux intégristesNotre horizon, ici maintenant, est une absence d'horizon : des lieux sans issue ni chemin assuré, sans dehors prévisible, qui conditionnent l'avenirIl y a plus d'Un, c'est-à-dire au moins deux, ce qui implique une alliance à plus de deux : n + UnDieu est le témoin absolu que, même en son absence, on prend à témoin; le nommer, même d'un nom imprononçable, c'est l'appelerOn peut désormais penser une "autre tolérance" comme scrupule, retenue, respect devant la distance de l'altérité infinieUne structure universelle de la religiosité est l'arrêt, la halte respectueuse devant ce qui doit rester sain et saufPour changer le droit, le faire progresser, il faut mettre en jeu deux pôles irréductibles l'un à l'autre mais indissociables : le concept pur et le processus empiriqueLa religion et la raison ont la même source qui se divise en s'opposant à elle-même : le lieu de la croyance, de la fiabilité, de la fidélité, du fiduciaire et de la foiLa prolifération mondiale et l'universalisation de scènes de repentance ou d'excuses tend à effacer la dimension du pur pardon qui n'est ni politique, ni socialIl faut privilégier l'exemple de Heidegger à cause de l'extrêmité de ce qu'il ditL'indemne, le propre, n'est-ce pas la chose même de la religion?Aujourd'hui, la question de la religion arrive machinalement à revenir, pas comme question de la religion elle-même, mais comme question de la question - celle du mal radicalLes deux sources de la religion présupposent un axiome unique, irréductible mais double, qui doit rester intact et donner lieu à un acte de foiUn mouvement quasi-machinique d'exappropriation attache et arrache, selon une logique d'auto-immunité, à la religion, la famille, l'identité, l'ethos, le lieu, l'idiome, etc...On ne peut jamais être assuré d'un athéisme radical, car le désenchantement est la ressource même du religieuxLa technoscience, qui arrache à toute identité et filiation propres, favorise un usage magique, archaïque, de la machine et des artefactsToute communauté est une "commune auto-immunité" : témoignant de l'héritage pour lequel elle se sacrifie, elle est travaillée en silence par la pulsion de mortOn ne peut penser le Contemporain que "dans l'anachronie criante de la dislocation du même"Le messianique, ou messianité sans messianisme, est une structure irréductible, une expérience de la croyance qui fonde tout rapport à l'autre dans le témoignageKhôra, lieu abstrait de l'espacement, ne se laisse dominer par aucune instance théologique, ontologique ou anthropologiqueLa mondialatinisation est une alliance étrange du christianisme, comme expérience de la mort de dieu, et du capitalisme télé-technoscientifiqueL'effet phallique tient ensemble les deux sources de la religion : ce qui est intact, indemne, automatique (le machinique); ce qui se gonfle de présence vivante (la foi)La langue et la nation forment le corps historique de toute passion religieusePour penser la religion aujourd'hui, il faut la relier à un mal d'abstraction, un déracinement dont les lieux sont : la machine, la technique et la technoscienceLe témoignage est à la confluence des deux sources de la foi : en promettant la vérité par-delà toute preuve, il atteste de l'indemne (sacralité) et du fiduciaire (croyance)En un lieu désertique, d'extrême abstraction, s'ouvre la possibilité du lien à l'autre en général, du lien fiduciaire qui précède toute communauté ou religion positiveAxiome : nul à-venir sans héritage, possibilité de répéter, itérabilité, alliance à soi, confirmation du oui originaire, mémoire et promesse messianiqueLe concept de "crime contre l'humanité" introduit une mutation radicale, une conversion mondiale à la sacralité de l'humainL'expérience de la croyance présuppose celle du témoignage, du crédit qu'on accorde à la "bonne foi" du tout autreDans la religion comme dans la raison, un "Je promets la vérité" est toujours à l'oeuvre, où déjà la place de Dieu - celle du témoin - est invoquée ou convoquéeLe droit de grâce, modèle exemplaire du pardon pur, incarne le principe transcendantal de la souverainetéLa dignité de l'homme, c'est que, en témoignant du non-vivant qui l'excède (loi, Dieu, transcendance), la vie ne vaut qu'à valoir plus qu'elle mêmeLa loi est fondée sur un événement performatif, une décision de l'autre dans l'indécidable, qui ne peut appartenir à ce qu'elle institueUne figure radicale du mal marque notre temps et nul autre : le mal d'abstraction, porté par la machine et les technosciencesL'annulation de l'avenir est le plus grand risque, le mal radical qui nous menaceLe pardon inconditionnel est fou : c'est une surprise, une révolution, un événement hétérogène à la politique et au droit, une éthique au-delà de l'éthiqueLe pur pardon est sans limite, sans norme, sans modération ni finalité : il est exceptionnel et extraordinaire, à l'épreuve de l'impossiblePour qu'arrive un pardon effectif, concret, il faut que reste irréductible l'idée d'un pardon pur, inconditionnel, dépourvu de sens, de finalité et d'intelligibilité L'essence du pardon exige un face-à-face personnel qui n'engage que des singularités absoluesEntre un pardon effectif, qui suppose quelque pouvoir souverain, et un pardon digne de ce nom, inconditionnel, sans pouvoir ni souveraineté, l'aporie est irréductibleNi l'Etat, ni aucune institution ne peut pardonner : seule une victime le peutIl faut penser ensemble - mais autrement - savoir et foi, technoscience et religion, calculable et incalculable Le phallique, dans sa différence, a une double valeur : sa pure et propre présence / son fantôme, son spectre, son féticheL'archi-originaire de la religion se tient en un lieu de retrait où tout crédit se fonde : désert dans le désert, origine qui est la duplicité même, entre khôra et messianismeLa religion croise deux veines irréductibles l'une à l'autre : croyance en un tout-autre auquel on peut accorder foi, crédit; expérience de l'indemne, du sacré ou du saintLe mot "religion" circule dans le monde en latin, en anglais, comme l'événement unique, intraduisible, d'une "mondialatinisation"Dans sa duplicité, son ellipse originaire, la religion exige et exclut le sacrifice et la prièreL'actuel retour du religieux, original et sans précédent, est aussi porteur d'une destruction radicale du religieuxUne révélabilité, plus originaire que la révélation, indépendante de toute religion, est peut-être le lieu d'origine de la foiToute sacralité, croyance, pensée ou autorité - religieuse ou non - reposant sur un axiome peut être critiquée, combattue ou rejetée au nom de ce même axiomeDevant le mal d'abstraction d'aujourd'hui, il n'y a ni salut, ni chemin, ni issue - car l'acte de foi y a toujours partie liée avec son oppositionL'acte scientifique est lié par essence au savoir et au "faire" de la communauté scientifique; il est structurellement performance, performativité, technoscienceLes guerres de religion d'aujourd'hui et leur diffusion audiovisuelle dans le cyberespace témoignent puissamment de la relance accélérée des spectres fondateursTout témoignage, serment, attestation ou adresse engendre et invoque un dieu auquel promettre la véritéLe secret de l'expérience testimoniale se livre dans l'interruption absolue du rapport à l'autre : en déjouant toute contemporanéité, elle ouvre l'espace même de la foiDans la religion, le tout autre fait la loi et prescrit la réponse et la responsabilitéUne nouvelle cruauté allie la calculabilité technoscientifique la plus avancée à la sauvagerie la plus archaïqueIl y a deux sources étymologiques du mot "religion" : relegere (cueillir, rassembler) et religare (lier, relier)Khôra n'est rien : le lieu d'une restance infinie, d'un immémorial désert dans le désert, impassible, sans visage, tout-autreLe "messianique", c'est laisser venir l'autre, s'exposer à la surprise absolue de sa décision, sans rien en attendreUn lien entre singularités (relegere) fait de scrupule et de respect précède toute religion positive qui lie les hommes entre eux ou avec Dieu (religare)Quand le fondement de la croyance se dérobe, quand il perd la trace de lui-même, la religion ne peut que commencer et recommencerIl y va, dans la religion, d'une résistance à la disjonction, à l'altérité absolue - d'une production insistante du "même"De la Shoah, aucune institution religieuse au monde ne sortit indemne, immune, saine et sauveLa singularité de notre temps, c'est que la nouvelle alliance ou Internationale ne peut se développer que sur les réseaux télé-technologiques qu'elle combatLa révélation abrahamique (Terre promise) n'est pas seulement un événement : elle ouvre et engage l'historicité de l'histoire dans l'horizon messianiqueComme la bénédiction, la prière se tient au-delà du vrai et du faux; elle appartient au régime originaire de la foi testimonialeAu-delà de la théologie négative, le lexique hébraïque peut ouvrir à un athéisme radical : la sainteté du kidouchFoi et Savoir, suivi de Le Siècle et le Pardon (Jacques Derrida, 2000) [FS]